Marché des grains Résistance des prix en France, mais taxe russe en embuscade
Tallage, cabinet d’études spécialisé dans les marchés des céréales, oléagineux et protéagineux, nous livre son analyse hebdomadaire.
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Les taxes mises en place par la Russie et l’Inde pour protéger leurs marchés intérieurs pèsent respectivement sur les cours des grains et de l’huile de palme. Les prix français des céréales et oléagineux résistent grâce à la légère baisse de l’euro face au dollar US et à une bonne demande chinoise en maïs et soja.
Le blé français résiste mais le blé russe baisse
Le marché mondial du blé a été marqué cette semaine par les nouvelles discussions puis décisions concernant la taxe que la Russie impose sur ses exportations. Prévue à 25 €/t pour le blé du 15 au 28 février, cette taxe va passer à 50 € à partir du 1er mars et devrait rester en place jusqu’à la fin de juin.
Cependant, il a été décidé cette semaine que cette taxe fixe serait, dès le 2 juin 2021, remplacée par une taxe variable. Le système de la taxe variable avait déjà été annoncé mais il devait s’appliquer à partir de juillet. La taxe variable sera calculée toutes les semaines comme égale à 70 % de la partie du prix dépassant le niveau de référence de 200 $/t Fob. Les exportateurs seront obligés de déclarer le prix de leurs contrats à la Bourse de Moscou qui calculera la taxe. Cette dernière sera publiée le dernier jour travaillé de la semaine et sera applicable à partir du troisième jour qui suivra la publication.
Le président Vladimir Poutine a annoncé que ce système deviendrait permanent, dans le but de limiter le prix des grains en Russie. Un mécanisme similaire s’appliquera à l’orge et au maïs pour lesquels les prix de référence seront de 185 $/t.
Il est très tôt pour prévoir les conséquences d’un tel mécanisme et nous reviendrons sur ce point dans les prochaines semaines. Néanmoins, l’impact de toutes ces taxes sur les prix russes est baissier : à Novorossiysk, le prix des blés russes à 12,5 % de protéines abandonne 5 $/t cette semaine, à 289 $/t, après avoir déjà perdu 6 $/t la semaine dernière. Les prix ukrainiens suivent à la baisse, mais moins fortement (–4 $/t) à cause du manque de disponibilités résiduelles en Ukraine.
La spirale russe se propage aux États-Unis (–6 $/t sur la semaine) et même aux blés argentins (–4 $/t), également touchés par des grèves de routiers qui repartent et gênent la logistique portuaire. On peut toutefois noter que la remontée du dollar contribue aussi à faire chuter les prix en dollar sur le marché mondial.
Dans ce contexte, les prix français ne bougent pas beaucoup. Ils perdent 1 €/t rendu Rouen, à 223,5 €/t en base juillet, soutenus par une forte demande à l’exportation. Les blés européens et français étaient en effet très compétitifs jusqu’à ces derniers jours par rapport aux blés de la mer Noire. L’Égypte fait ainsi son retour sur le marché français cette semaine : le pays a acheté 480 00 tonnes de blé dont 240 000 tonnes de blé français. Il conviendra cependant de suivre l’écart entre les prix des blés français et russes qui tend à se réduire très vite depuis quelques jours.
Le maïs reste à la hausse
Les achats chinois de maïs américain ont atteint un record la semaine dernière, à 5,85 millions de tonnes, un niveau historiquement élevé. Ces ventes et la révision à la baisse de la récolte argentine à 46 millions de tonnes par la Bourse de Buenos Aires (niveau qui nous semble encore un peu élevé) ont de nouveau soutenu les prix du maïs US (+6,5 $/t). En revanche, avec l’approche de la récolte sud-américaine, les prix argentins et brésiliens se sont légèrement affaissés et les problèmes logistiques en Argentine n’ont rien arrangé.
> À lire aussi : Marché des grains, conflits en Argentine sur les exportations de maïs (01/02/2021)
En France, les prix maintiennent leur tendance haussière sur la façade atlantique. Le maïs Fob Bordeaux gagne 3 €/t à 221 €/t (base juillet) en raison d’une demande soutenue à l’exportation vers les autres pays de l’Union européenne. La hausse des prix du blé, plus forte que celle des prix du maïs en Bretagne depuis quelques semaines, vient favoriser l’incorporation de maïs dans les formules animales, ce qui soutient également les prix.
Les orges françaises lâchent du lest
C’est une baisse généralisée qui a été observée sur le marché de l’orge cette semaine : les orges australiennes ont perdu 10 $/t, les orges russes 3 $/t et les orges françaises 8 $/t (–5,5 €/t à Rouen, à 205,25 €/t en base juillet). Le marché apporte des corrections après l’achat de l’Arabie Saoudite la semaine dernière, qui avait fortement poussé les prix russes vers le haut.
L’Australie réagit particulièrement fortement et tire les autres origines vers le bas. Elle ne peut se permettre de perdre trop de demande à destination du Proche-Orient, le marché chinois lui étant quasi interdit. Avec une baisse de prix plus marqué pour les orges françaises que pour les orges de la mer Noire, l’écart de prix se réduit entre les deux origines qui devraient maintenant évoluer de concert face à la concurrence australienne.
Les prix se relèvent en revanche sur le créneau brassicole (+1 €/t en hiver, à 211 €/t, et +4 €/t au printemps, à 214 €/t Fob Creil, base juillet).
Les cours du colza continuent de grimper en France
Le prix du colza continue son ascension en France malgré le léger recul des prix mondiaux. Cette semaine, le cours du colza français sur le rapproché échappe à la baisse que subissent les cours mondiaux du canola et les prix de l’huile de palme en Malaisie. Cette résistance tient, d’une part, à la petite baisse de valeur de l’euro face au dollar US entre le 28 janvier et le 4 février (–1 % à 1,197) et, d’autre part, à la remontée de la valeur du prix du pétrole brut (+6 % sur la semaine, à 56 $ le baril à New York).
En effet, les réserves de pétrole aux États-Unis se sont affaissées sur la semaine, donnant un signal positif pour la demande du premier pays consommateur de pétrole brut. Par ailleurs, dans une réunion tenue le mercredi 3 février 2021, les pays membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole, Opep, se sont montrés optimistes pour la demande mondiale sur les mois à venir, grâce au déploiement progressif des vaccins contre le Covid-19 dans le monde. Cela devrait progressivement stimuler l’économie mondiale. Le dollar US s’est, quant à lui, renforcé face à la monnaie européenne, cette dernière souffrant d’inquiétudes sur la croissance dans la zone euro et de retards dans sa campagne de vaccination par rapport aux États-Unis.
Toutefois, ces éléments haussiers ont été en partie gommés par le recul du cours de l’huile de palme malaisienne. Il s’est affaissé en raison de la décision de l’Inde d’augmenter les taxes à l’importation sur l’huile de palme brute. Les taxes sur les autres huiles végétales sont inchangées. L’huile de palme perd donc nettement en attractivité dans un des pays les plus consommateurs sur la planète, ce qui va peser sur les volumes achetés à la Malaisie sur les prochains mois. Cette baisse de cours a affecté par ricochet le prix de l’huile de canola à l’échelle mondiale et du canola canadien, qui perd 2 $/t cette semaine sur l’échéance de mars 2021. Les canolas canadiens restent peu attractifs sur le rapproché, ce qui devrait ralentir les ventes des exportateurs sur les prochaines semaines.
Les prix canadiens de la nouvelle campagne sont cependant moins chers que les prix du colza sur Euronext (fin de 2021) : l’écart de prix s’établit à 45 $/t, un écart suffisant pour attirer l’intérêt des acheteurs européens. Les semis de canola au Canada démarreront au mois de mai. Pour l’instant, le canola apparaît très attractif pour les agriculteurs de l’Ouest canadien, ce qui devrait entraîner une forte hausse de surface et de production en 2021. Toutefois, le manque d’eau cet hiver, consécutif à un déficit hydrique à l’été 2020, a entraîné une insuffisance d’humidité dans les sols, surtout au Saskatchewan. Si les pluies de mars et d’avril ne sont pas abondantes, les perspectives de surface canadienne du canola pourraient être revues à la baisse (au profit de celle de cultures moins sensibles au sec).
Le cours du soja retrouve un peu de souffle
Sur le marché de Chicago, les cours du soja grimpent de 5 $/t sur l’échéance de mars 2021 et de presque 11 $ sur l’échéance de novembre 2021. Les prix sont soutenus tout d’abord par l’avancée très lente de la récolte de soja au Brésil. Dans le Mato Grosso par exemple, la récolte n’était avancée que de 5 % lundi contre 27 % l’an dernier à la même époque. Les exportations du Brésil du mois de janvier ont été extrêmement faibles, et le retard devrait se prolonger pour les chargements de février. Des pluies ont notamment empêché l’avancée des moissonneuses dans les champs. Ces dernières pourraient toutefois avec un effet bénéfique sur le rendement du soja au Brésil.
Les chargements de soja sont également ralentis au départ de l’Argentine, où des mouvements de grève continuent de perturber le fonctionnement des terminaux d’exportation, et où les agriculteurs restent réticents à vendre leur production. L’état de la future récolte argentine s’est stabilisé à la faveur de l’arrivée de pluies dans la plupart des régions de production du soja.
Enfin, la demande en soja est soutenue en Chine à l’approche de la période des fêtes du nouvel an. Les stocks de soja dans les ports chinois ont ainsi reculé sur la semaine, ce qui a aussi contribué à soutenir les cours mondiaux.
La demande en huile de soja est très forte en ce moment, cette huile étant bien plus attractive que l’huile de tournesol chez les importateurs des pays émergents. Le prix de l’huile de soja a ainsi grimpé de 15 $/t sur la semaine dans l’Union européenne et en Argentine, et de 60 $/t au Brésil. Cela a également soutenu les cours du soja sur le marché mondial.
Les cours des tourteaux de soja bénéficient de cet environnement haussier pour le complexe soja. Ainsi, le prix à Montoir augmente de 8 €/t sur la semaine, à 474 €/t, à la suite des cours US (+8 $/t à Chicago sur le rapproché). Le prix du pois départ Marne est inchangé par rapport à la semaine dernière, à 272 €/t. La hausse sur le marché du tourteau de soja a été compensée par la baisse des prix du blé fourrager français.
Le prix du tournesol français se stabilise
Cette semaine, les prix Fob mer Noire du tournesol se sont affaissés de 5 $/t, à la suite de l’huile de tournesol (–10 $/t sur la semaine). En effet, la demande mondiale d’huile de tournesol commence à ralentir, affectée par les prix très élevés. Les récents appels d’offres de l’Égypte ont tous été conclus par un achat d’huile de soja, l’huile de tournesol étant trop chère.
Par ailleurs, l’huile de soja concurrence actuellement fortement l’huile de tournesol en Inde et en Chine, deux des principaux acheteurs d’huiles à l’échelle de la planète.
En France, le prix du tournesol se maintient à 525 €/t à Saint-Nazaire, soutenu par le renforcement du dollar US face à l’euro : en dollars, le cours français a reculé de 5 $/t sur la semaine, comme son homologue ukrainien. Les stocks de graine et d’huile de tournesol restant très faibles à l’échelle mondiale, les prix de ces matières devraient rester élevés jusqu’à la fin de campagne.
> À suivre : effet de la taxe russe sur les prix des céréales, climat en Europe, dans la zone de la mer Noire et au Canada (colza) ainsi qu’en Amérique du Sud (soja et maïs), progression de la récolte de soja au Brésil, situation sanitaire et économique mondiale (biodiesel, huiles végétales), prix du pétrole.
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